Par Manuella Fosso Yimga

Girl Child Africa[dropcap type=”circle” color=”#FFFFFF” background=”#8C212A”]S[/dropcap]elon Tatyana P. SOUBBOTINA et Katerine A. SHERAM , l’écart des pourcentages de scolarisation entre le jeune garçon et la jeune est très grand en Afrique Sub saharienne. Selon elles, ce problème peut s’expliquer par les normes culturelles, les us et coutumes, les croyances qui constituent généralement la fondation de l’éducation de la jeune fille dans cette partie continent.

Au Cameroun, le taux de scolarisation de la jeune fille varie selon qu’on se trouve en zone urbaine ou rurale. En zone rurale par exemple, le taux de scolarisation et d’alphabétisation est encore bas . Selon le rapport de l’institut national de statistiques (INS), en 2010 le taux de scolarisation était de 95,1% pour les garçons contre 94,3% pour les filles en zone urbaine. Tandis qu’en zone rurale il correspondait respectivement à 78,9% contre 77,7%. Le niveau d’alphabétisation en outre laisse croire qu’il y a encore beaucoup d’effort à fournir (77,5% chez les garçons contre 72,6% chez les filles en zone rurale). Une des raisons plausibles à cet écart est la culture. En effet, la culture influence fortement les opinions des parents sur la scolarisation de la jeune fille surtout en zone rurale. Son éducation y est souvent perçue comme une perte de temps et de ressources. Raison pour laquelle on y accorde pas beaucoup d’importance ; elles ne sont généralement bonnes qu’aux tâches ménagères et à la procréation.

Même lorsque certains moyens sont mis à disposition pour amener le maximum de la population jeune à être scolarisée, certaines régions du pays peinent encore à sortir des sentiers battus. La question de parité en matière d’éducation et de genre reste taboue. C’est sans doute ce qui explique le taux élevé de la scolarisation des jeunes garçons par rapport à celui de la jeune fille (89% contre 77%) au Cameroun. Toutefois, le cas de la jeune fille rurale mérite à bien des égards, une attention particulière. Elle est plus affectée par l’analphabétisme voire d’illettrisme. C’est elle la plus vulnérable en ce qui concerne les grossesses précoces, les viols, violences physiques et morales en Afrique Sub saharienne. C’est également la preuve qu’elle ne représente pas un grand atout pour la société. Mais on semble oublier parfois ce fameux slogan qui rappelle que : « éduquer une fille, c’est éduquer une nation.»

Le Cameroun bien qu’étant l’un des piliers en matière d’éducation en Afrique , semble pourtant encore peiner à relever les défis du millénaire 2015,c’est-à-dire l’éducation pour tous. De plus, tant que la question de l’éducation de la jeune fille en général et de la jeune fille rurale en particulier restera un problème épineux, tant qu’elle ne sera pas considérée comme la priorité nationale et non une priorité nationale, l’émergence du Cameroun se fera certes, mais sans le total potentiel de tout son capital humain qui doit être développé. En d’autres termes, l’émergence de 2035 pourrait ne pas répondre de façon pertinente aux attentes du peuple d’une part, et aux canons conventionnelles de durabilité pour notre croissance économique d’autre part.

La preuve que l’éducation n’est pas la priorité des priorités au Cameroun est matérialisée par la suppression des bourses à l’école Normale Supérieure (ENS) et la fermeture des ENIEG. Pour parler de croissance ou encore de développement économiques, Tatyana SOUBBOTINA et Katerine SHERAM suggèrent comme facteur essentiel, l’éducation. Le capital humain est indispensable pour qu’un pays soit émergent. En supprimant ces bourses aux étudiants de l’ENS ou de l’ ENSET, censés préparer et assurer une bonne relève pour les défis de l’émergence, il se trouve que le développement humain de la jeune fille est compromis et par conséquent, l’avenir de l’Homme.

L’éducation de la jeune fille a besoin d’être revalorisée. Seul son épanouissement complet garantit son aptitude à créer de la valeur. Il est temps qu’on « exorcise » ces préjugés qui font d’elle une « femme précoce » ; c’est-à-dire une aide dans les travaux ménagers, champêtres et un moyen de pérenniser la descendance. Il s’agit non seulement de lui donner des valeurs culturelles durables, mais surtout des savoir-faire, savoir-être éthiques, des valeurs spirituelles et des compétences en leadership transformationnel.

L’entrepreneuriat, l’innovation et la créativité des jeunes sont de plus en plus au centre des préoccupations de ceux qui ont compris que l’émergence en dépend. Orange Cameroun est d’ailleurs sponsor officiel de ce qu’on nomme le concours du jeune entrepreneur africain qui récompense l’ambition des jeunes à penser des projets innovants. Par ailleurs, l’action de la Société civile qui ne ménage aucun effort quant à la sensibilisation des jeunes sur leur rôle dans le développement économique de leur pays est perceptible. Aussi, la Fondation Denis & Lenora Foretia qui s’est lancé dans plusieurs programmes tels que le programme de Leadership, entend aussi donner à la jeune fille camerounaise les moyens d’être une actrice et non une spectatrice de l’émergence 2035. La globalisation des économies ayant renforcé l’importance de la compétitivité des talents, de l’innovation et de la pro activité, rendant par la même occasion rude la concurrence sur le marché, la quête des talents est devenue un « must » dans la planification stratégique des besoins.

Désormais, on n’imagine pas l’innovation, le Leadership, l’émergence sans un « capital humain » fiable et viable. L’augmentation du nombre des femmes au Parlement camerounais montre qu’on peut et qu’on doit investir dans l’éducation de la jeune fille. Innover dans les méthodes et programmes d’enseignement, donner des moyens pertinents à la jeune fille rurale afin qu’elle soit prête du point de vue des compétences, c’est assurer un bon retour sur investissement pour sa famille mais aussi pour son pays.

Manuella Fosso est stagiaire au Département des Initiatives politiques de l’Institut Politique Nkafu de la Fondation Denis et Lenora Foretia.

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